Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. Puis il fit jaillir la lumière et la sépara des ténèbres. Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin. Au sixième jour, Dieu demanda à Adam de nommer les animaux. Curieusement, il se garda bien de le faire lui-même.
Sur les liens entre langage, soumission et religion, Paul Valéry écrit ces mots magnifiques : « Il y a une clarté apparente qui résulte de l’habitude de se servir de notions obscures. Cette clarté est l’échange d’une obscurité consentie. »
Le mot, caricature ambiguë du réel, serait ainsi un mal nécessaire. Nécessaire pour apaiser nos angoisses, en réduisant la complexité du monde dans lequel nous vivons. Mais aussi fondamentalement problématique, la caricature et l’ambiguïté formant de tous temps le terreau de violents conflits.
Car telle est la terrible dualité du Verbe, à la fois libérateur, quand on est en mesure d’exprimer sa vérité haut et fort, et aliénateur, quand on se soumet volontairement à la parole d’autrui en échange d’une promesse de paix intérieure.
Ce livre évoque l’acte de défense aussi fondamental qu’hostile qui consiste à nommer les choses, et ses conséquences sur l’intime.